Économiser du carburant est devenu un enjeu à la fois économique et écologique. Sur fond d’instabilité des prix à la pompe, de durcissement des réglementations environnementales et d’une conscience croissante des impacts climatiques, de plus en plus d’automobilistes cherchent à optimiser leur conduite. Or, contrairement à ce que l’on pourrait croire, il ne s’agit pas uniquement d’adopter un style de conduite fluide. Tout un ensemble de paramètres entre en jeu : entretien du véhicule, anticipation, technologie embarquée, qualité du carburant, gestion des charges à bord, sans oublier la météo ou encore le profil du trajet. Les écarts, sur une même voiture, entre un conducteur prudent et un conducteur nerveux, peuvent atteindre 30 à 40 % de consommation supplémentaire selon les relevés de l’Ademe.
Tout commence par le pied droit. L’accélération, si elle est trop vive, envoie directement la consommation s’envoler. Les tests menés sur piste par les constructeurs comme Renault ou Volkswagen montrent qu’entre une accélération modérée et une conduite brusque, la différence peut atteindre plus d’un litre aux 100 kilomètres sur un moteur essence de moyenne puissance. L’idéal reste une montée progressive en régime, sans dépasser les 2 500 tr/min sur une essence ou les 2 000 sur un diesel. L’usage du régulateur de vitesse, quant à lui, devient pertinent uniquement sur terrain plat ou légèrement vallonné, mais déconseillé en relief important, où l’anticipation humaine reste plus efficace que l’algorithme.
Autre levier, souvent négligé : le rapport de boîte. Sur une boîte manuelle, il est conseillé de passer les rapports le plus tôt possible pour limiter le temps passé dans les régimes intermédiaires, là où le moteur consomme plus. Des tests réalisés sur circuit fermé avec un moteur diesel 1.6 ont permis d’évaluer que rouler à 50 km/h en 3e revient à consommer près de 6,5 L/100, contre 4,8 L/100 en 5e. Le choix du rapport influe donc directement sur le rendement énergétique du moteur. Sur les boîtes automatiques, les dernières générations à double embrayage (type EDC ou DSG) permettent de réduire la consommation de 5 à 10 % par rapport aux anciennes automatiques à convertisseur, mais restent souvent moins sobres qu’une bonne conduite manuelle.
L’entretien du véhicule est un facteur trop souvent relégué au second plan. Un filtre à air colmaté, une pression de pneus insuffisante ou une vidange retardée peuvent représenter une surconsommation significative. L’Ademe estime qu’un sous-gonflage de 0,5 bar entraîne une consommation supplémentaire de l’ordre de 2,4 %, et une usure prématurée des pneumatiques. Des campagnes de contrôle organisées sur autoroute ont révélé que près de 40 % des véhicules roulent avec des pressions inadaptées. Quant à l’huile moteur, son choix influe sur le frottement interne du moteur : une huile de mauvaise qualité ou trop visqueuse à froid peut augmenter la consommation jusqu’à 3 % selon des bancs d’essai réalisés chez TotalEnergies.
Le poids embarqué, souvent ignoré au quotidien, a un impact non négligeable. Une étude menée par PSA a révélé que transporter 100 kg de charge inutile – valises, outils, objets divers – augmente la consommation moyenne d’environ 0,4 L/100 km en cycle mixte. Les coffres de toit, barres de toit non démontées ou porte-vélos arrière sont aussi des sources majeures de surconsommation. En soufflerie, des véhicules équipés de coffres rigides sur le toit ont vu leur consommation grimper de plus de 15 % à 130 km/h.
Le carburant lui-même mérite une attention. Si l’on reste dans les essences classiques (SP95, SP98, E10), la qualité de combustion varie légèrement selon les additifs. Le SP98, légèrement plus cher, offre une meilleure résistance au cliquetis sur les moteurs modernes à injection directe, mais n’apporte pas toujours un gain net de consommation. En revanche, un moteur sale ou encrassé peut profiter d’un plein de carburant additivé ou d’un nettoyant injecteur périodique, avec parfois 0,3 à 0,5 L/100 km de mieux selon les retours utilisateurs en conduite stabilisée.
Le style de conduite reste évidemment la clé. L’anticipation des ralentissements, l’usage du frein moteur, le respect des limitations (au-delà de 110 km/h, la résistance de l’air devient exponentielle) font toute la différence. Une étude menée en 2019 sur un panel de 300 conducteurs en Île-de-France a montré que ceux adoptant une éco-conduite formée économisaient en moyenne 13 % de carburant sur des trajets identiques, sans perte significative de temps. L’enseignement a été intégré depuis dans certaines auto-écoles et modules de formation professionnelle (FIMO/FCO).
La météo joue aussi son rôle. Par temps froid, la consommation grimpe, notamment en ville. Avant que le moteur n’atteigne sa température optimale (aux environs de 90 °C), il fonctionne en régime dit « enrichi », injectant plus de carburant. Des mesures en conditions réelles ont montré qu’à -5 °C, un trajet urbain moyen peut voir sa consommation augmenter de 25 à 30 % par rapport à une température extérieure de 20 °C. C’est pourquoi les trajets courts répétés en hiver sont les pires scénarios de consommation.
Enfin, le trajet lui-même influence fortement la moyenne. L’autoroute, si elle permet de rouler de façon régulière, devient énergivore dès que la vitesse dépasse 120 km/h. Le point optimal de consommation pour la majorité des voitures modernes se situe autour de 80-90 km/h. En zone urbaine dense, avec ses arrêts répétés, la consommation est souvent deux à trois fois plus élevée qu’en extra-urbain.
Pour optimiser sa consommation, il ne s’agit donc pas d’un seul geste mais d’un faisceau de bonnes pratiques. L’automobiliste attentif, qui entretient son véhicule, allège ses trajets, roule aux régimes adéquats, anticipe sa conduite, choisit ses itinéraires, et respecte les conditions météo, peut économiser entre 1 et 2 L/100 km sans changer de voiture. Sur 15 000 km par an, cela représente entre 225 et 450 litres économisés, soit environ 400 à 800 euros selon le prix du carburant.
Au-delà de l’économie personnelle, c’est aussi une façon concrète de réduire son empreinte carbone, dans un contexte où la sobriété devient plus qu’un mot à la mode. Les technologies évoluent, les véhicules se perfectionnent, mais la meilleure des aides à l’éco-conduite reste encore, aujourd’hui, le conducteur lui-même.
