Les crues de novembre 1840

Le mois de novembre 1840 restera dans les annales. Il fut marqué par des crues  importantes dans toute notre région. Tout cela fut provoqué à la suite d’ importantes précipitations souvent continuelles qui se produisirent à la fin du mois d’ octobre; tout cela conjugué par la fonte de neiges qui étaient tombées de façon précoce sur les montagnes du Jura. Les inondations furent terribles dans beaucoup de secteurs, au point que l’ on n’ avait pas souvenir de tels désastres. Il y eut beaucoup de misère avec des familles qui ont tout perdu; des ponts emportés, des maisons, des moulins et des fabriques totalement démolis, des routes endommagées sans compter également des incendies à la suite d’ orages

A Lyon, le Rhône et la Saône ont envahi une grande partie de la ville ; l’usine du gaz de la Guillotière et une fabrique de papiers peints ont été emportées. Le 31 octobre 1840, dans l’espace qui s’étend des Brotteaux à la Guillotière plus de 160 maisons avaient déjà été détruites, et plus de 30 personnes avaient péri.

1er novembre : Quatre moulins et une usine à blanchir les draps stationnés le long de la chaussée Perrache ont été entraînés par le courant qui en avait brisé les chaînes et les cordages. On assure que les gardiens qui étaient dans l’intérieur n’ont pas eu le temps de fuir.

Vers deux heures du malin , les eaux ont passé par-dessus la digue de la Tête-d’Or et se sont précipitées dans la plaine des Brotteaux, et ont établi des courants importants qui emportèrent plusieurs constructions.

Le faubourg de la Guillotière fut traversé par un courant et la route de Vienne fut interceptée. L’artillerie des Brotteaux a été obligée d’enlever ses chevaux en toute hâte sans pouvoir enlever ses fourrages, tant la crue a été rapide.
L’eau est entrée dans les conduits du gaz, les réverbères se sont
éteints et ont laissé les habitants alarmés dans des ténèbres effrayantes. Les forts sont cernés de toute part, et les troupes y sont enfermées sans vivres; on s’occupa d’organiser un service de bateaux pour leur en porter. Plusieurs usines de la rive droite du fleuve ont été entraînées par le courant.

3 novembre. Le pont St-Vincent fut enlevé par les eaux et alla se
briser contre le pont Tilsitt.

Villeurbanne et les Charpennes ont horriblement souffert. Plus de
160 maisons ont été détruites. C’est un spectacle de dévastation et de ruines.

Beaucoup de familles ont été sauvées ; mais beaucoup ont péri à l’approche des secours, sous les ruines de leurs habitations emportées par le torrent.

Une maison de cinq étages et vaste, peuplée d’ouvriers, près du
pont de la Guillotière, s’est écroulée ensevelissant tous ses habitants.

Tous les moulins et les bateaux ont été entraînés. Les magasins de charbon de Perrache ont été balayés. Les ponts de St-Vincent, de la Feuillée, de Séguin, Chazourne, de la Mulatière, ont été emportés.
La Saône se joint au Rhône par les rues du Portcharlet au port des Cordeliers. Il y a eu un courant très fort sur la place de l’Herberie; la Saône vient par la rue Tête-de-Mort, et pour atteindre le Pont-de-Pierre, il fallait  y aller en bâteau.

Vaise a été complètement évacué. L’écroulement des maisons et
la rapidité des courants ne permettaient plus d’y pénétrer. On a ou-
vert les forts et les casernes à tous ceux qui ont voulu s’y réfugier.
100 ou 150 maisons sont tombées à Vaise et beaucoup à Serin.

Lyon, 4 novembre. De nombreux éboulements. L’incendie de la nuit, est encore venu augmenter la frayeur; une fabrique, en face du pont de Serin, a pris feu, et la maison, de quatre étages, a été consumée entièrement.

Plus de 50 maisons, sur les terrains des hospices, se sont écroulées. La caserne de Serin a été évacuée. Plusieurs maisons de la Gare sont écroulées. L’entrepôt de vin à Ayné a vu cent bareilles lui être enlevées. Des lettres de St-Etienne annoncent que Sablon, petit village de 300 feux, sur les bords du Rhône , n’existe plus.

Lyon, 8 novembre. Une nouvelle catastrophe, résultat de la pluie
et de la  pluie abondante qui est tombée la nuit dernière, a occasionné des éboulements à la Quarantaine : une masse énorme de terre détrempées par la pluie s’est éboulée et a enseveli plusieurs maisons avec leur habitants. De nombreux travailleurs sont enlevés de force dans l’intérieur de la ville et dirigés sur ce point par l’autorité, afin de porter du secours aux malheureuses victimes de ce désastre. Tous les habitants des maisons entraînées ont été sauvés.

Le torrent qui avait pris son cours par la rue Port-Charlet a creusé sur le quai du Rhône, devant le Port-aux-Pierres, deux gouffres qui sont demeurés d’une grande profondeur, malgré l’énorme quantité de pierres, de fascines, de poutres et de sacs qui ont été jetés. Le nombre des voitures qui y ont été amenées s’élève à plus de 150. L’infanterie qui a exécuté ces travaux a été admirable de courage et de dévouement. A la balme de St-Georges, 7 maisons se sont écroulées. Le nombre des maisons qui se sont écroulées à la Guillotière est de près de 300. Les dégâts causés par cette inondation à Lyon et dans les environs, sont incalculables. La plus grande partie des usines, les bateaux de marchandises qui étaient amarrés le long des quais ont été
entraînés et engloutis avec ce qu’ils contenaient, A Serin, d’immen ses approvisionnements de vins ont été perdus ; un seul marchand de cette localité a perdu plus de 200 futailles.

Le Rhône couvra 30,000 hectares de terres dans l’arrondisse-
ment d’Arles; on évalue la perte à plusieurs millions.
A Givors, un nombre considérable de maisons ont été renversées par le Rhône; toute la ville est inondée; les habitants renfermés dans leurs maisons réclamaient des secours contre la faim et contre le péril qui les menaçait.

A Valence (Drôme), le Rhône, gonflé de la crue de la Saône et de l’Isère, s’est élevé plus haut plus menaçant que jamais. Champs et habitations ne forment plus qu’un lac immense, sur lequel on voit çà et là les toits rouges de quelques maisons et le sommet des peupliers les plus hauts. De braves mariniers s’ exposaient aux plus grands dangers en traversant le Rhône, pour aller arracher à un danger certain, à la mort peut-être, des femmes et des enfants que les eaux poursuivaient jusque sur les toits.
Toute la Basse-Ville déménage. Le Doux a inondé Tournon. La population de Tain a déménagée et s’est réfugiée dans les environs. Sur la route de Paris et de Lyon , une multitude de maisons se sont écroulées. Le pont de Crest a été emporté. La plus grande partie de la ville d’Avignon est envahie par les
eaux.

A Châlons-sur-Saône, les rues sont occupées par l’eau; depuis 180 ans on n’a pas vu d’inondation aussi terrible. Dans les environs, des villages entiers se trouvent au milieu des eaux. Le tocsin sonne de toutes parts. A Verdun, à Verjux, à Gergy, villages éloignés de ChâIon de 8 à 10 kilomètres, le désastre est épouvantable. Les habitants se sont réfugiés sur les toits de leurs maisons. Une gondole à vapeur leur a porté du pain.

Un cabriolet a été entraîné par la violence des eaux près du village de St-Pierre ; il portait trois personnes, qui se sont noyées sans pouvoir recevoir aucun secours. Les moulins de Gray ont été emportés par les eaux.

A Lons-le-Saunier, l’eau entrait dans les maisons. A Bletterons, une maison a été renversée et la caserne de gendarmerie menaçait ruines. A Sellières, les eaux se sont élevées jusqu’au premier étage; beaucoup de ponts ont été entraînés. A Louhans, 15 maisons ont été détruites. Besançon, Mâcon et Bourg ont beaucoup souffert, ainsi que Vienne , Caderousse, Verjux, Marney et Beauchastel.