D’ici 2100 : une France à 50° ?.

une enquête brûlante vient de sortir sur ce que pourrait être la France à +4 °C d’ici 2100. Publiée hier, le 20 mars, par Météo-France, cette étude, relayée par francetvinfo.fr et d’autres grands médias, n’est pas une simple projection abstraite. Elle s’inscrit dans le sillage du troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), présenté il y a dix jours par le gouvernement, et dessine un portrait saisissant d’un pays transformé par la chaleur, les sécheresses et des pluies extrêmes.

Cette enquête de Météo-France s’appuie sur la Trajectoire de Réchauffement de Référence pour l’Adaptation au Changement Climatique (TRACC), définie en 2023 par le ministère de la Transition écologique. Elle imagine une France où la température moyenne grimpe de +2 °C en 2030, +2,7 °C en 2050, et atteint +4 °C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle – soit une hausse alignée sur un réchauffement global de +3 °C, selon les scénarios tendanciels du GIEC. Jean-Michel Soubeyroux, directeur adjoint scientifique de la climatologie chez Météo-France, expliquait hier lors de la présentation que « ce n’est pas un pari sur l’échec, mais une base réaliste pour anticiper ». Les données s’appuient sur des modèles climatiques affinés, croisant trente années de mesures (1976-2005) avec des simulations projetées sur trois horizons clés, offrant une granularité régionale inédite.

Ce qui frappe d’emblée, c’est la chaleur. Dans une France à +4 °C, les étés ne ressembleront plus à ceux qu’on connaît. Le rapport indique que le nombre de jours de très forte chaleur – au-delà de 35 °C – passera de moins d’un par an en moyenne (période 1976-2005) à huit à l’échelle nationale. Autour de la Méditerranée, on parle de 30 à 40 jours par an, soit dix de plus que les pires canicules de 2022. À l’horizon 2050, des pics à 50 °C deviennent possibles localement, un seuil jamais franchi en Europe, et d’ici 2100, ces records seraient probables lors des vagues de chaleur les plus intenses. Une analyse de Le Monde, publiée ce matin, illustre cette bascule : Paris pourrait connaître les températures moyennes actuelles de Montpellier (14,2 °C), tandis que le sud flirterait avec le climat de l’Andalousie (plus de 18 °C). « Une année comme 2022, la plus chaude jamais enregistrée, serait jugée exceptionnellement fraîche en 2100 », prévient Météo-France, un constat qui donne le vertige quand on se souvient des incendies et des restrictions d’eau de cet été-là.

Mais la chaleur n’est qu’une facette du tableau. Les sécheresses, elles, s’annoncent plus longues et plus fréquentes. Les relevés montrent qu’à la fin du siècle, le sol restera sec quatre à cinq mois par an dans la moitié nord, et jusqu’à sept mois dans les régions méditerranéennes. Une étude antérieure de Météo-France, parue dans Earth System Dynamics en 2022, avait déjà estimé une hausse estivale de +5,1 °C dans un scénario intermédiaire, et ce nouveau rapport confirme que des sécheresses comme celle de 2022 deviendront banales. « On parle de périodes s’étalant sur plusieurs années consécutives », note Soubeyroux, un phénomène qui menace l’agriculture – imaginez des champs de blé abandonnés ou des vignes incapables de produire du champagne, comme l’évoquait Davide Faranda, climatologue au CNRS, ce matin sur Télématin. Les forêts, elles, s’affaibliront face aux insectes et aux feux : d’ici 2100, le risque élevé d’incendie s’étendra à tout l’Hexagone, y compris des zones comme les Pays de la Loire ou le bassin parisien, aujourd’hui peu touchées.

Et puis, il y a l’eau, ou plutôt son excès paradoxal. Malgré ces sols asséchés, les précipitations extrêmes augmenteront de 20 % dans la moitié nord, selon les projections. Une enquête de Les Échos hier soulignait que cette intensification des pluies, déjà perceptible avec les inondations de 2024, deviendra la norme d’ici 2050, avec des cumuls dépassant les records actuels en hiver. Les littoraux, de la Bretagne à Bordeaux, verront les submersions marines se multiplier, tandis que le sud-est, autour de Perpignan, jonglera entre sécheresses et crues soudaines. Les glaciers alpins, eux, auront disparu d’ici 2100, et l’enneigement se limitera à dix jours dans les Pyrénées, quarante dans les Alpes, selon les données du PNACC relayées par Le Figaro le 10 mars. Un futur où les stations de ski fermeront boutique et où les rivières, privées de fonte printanière, peineront à irriguer les plaines.

Que disent les experts face à ce portrait ? « C’est un climat très différent, avec des extrêmes plus sévères », insiste Soubeyroux dans francetvinfo.fr. Une analyse de l’ADEME, datée de novembre 2024, ajoute que l’adaptation doit commencer maintenant : diagnostics de vulnérabilité pour les entreprises, révision des normes de construction, gestion sobre de l’eau. Lors d’une consultation publique lancée en octobre 2024 par le ministère de la Transition écologique, 62 % des 15 000 participants, selon un bilan partiel de Le JDD, jugeaient urgent de préparer les infrastructures – hôpitaux, écoles, réseaux électriques – à ces bouleversements. Pourtant, des voix s’élèvent pour nuancer. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, rappelait en mai 2023 à lejdd.fr que « ce n’est pas du défaitisme, mais de la lucidité ». Une étude du Haut Conseil pour le Climat en juin 2024 avertissait toutefois que la France n’avance pas assez vite, un écho aux critiques de la Cour des comptes en 2023 sur le « mur d’investissements » nécessaire.

Les données techniques, elles, sont implacables. La température moyenne annuelle, qui était de 10,9 °C entre 1976 et 2005, atteindrait 14,2 °C en 2100, selon les simulations de Météo-France publiées dans Climadiag. Les nuits tropicales (au-dessus de 20 °C) passeront de rares à 40 ou 50 par an dans la moitié nord, et jusqu’à 90 autour de la Méditerranée, comme le notait lejdd.fr en 2023. Les précipitations annuelles, elles, resteront stables en volume, mais leur répartition changera : moins de jours pluvieux, plus d’épisodes intenses. Une analyse de Remote Sensing en 2023 confirme que ces tendances, déjà observables, s’accéléreront avec chaque dixième de degré gagné.

Alors, que faire de tout ça ? Cette enquête n’est pas là pour nous paralyser, mais pour nous secouer. « Il faut intégrer ces données dans nos choix d’aujourd’hui », plaidait Soubeyroux hier, un appel repris par Faranda sur Télématin : abandonner certaines cultures, repenser l’urbanisme, protéger la biodiversité. Les relevés montrent que le réchauffement actuel, à +1,7 °C en 2023 selon ecologie.gouv.fr, n’est qu’un avant-goût. Si les engagements de l’Accord de Paris (limiter à +1,5 °C global) tiennent, ce futur à +4 °C restera une hypothèse. Mais sans efforts renforcés, il deviendra notre réalité. Pour nous, citoyens, c’est un défi à hauteur d’homme : changer nos habitudes, pousser nos élus, et peut-être accepter que la lavande ou le champagne ne soient plus ce qu’ils étaient. La France à +4 °C, c’est loin, mais ça commence maintenant – et cette enquête, avec ses chiffres froids et ses vérités crues, nous le rappelle avec force.