Le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) dévoilé.

Le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), dévoilé il y a dix jours par le gouvernement, fait encore des vagues. Présenté par  Agnès Pannier-Runacher, ce plan ambitieux vise à préparer la France à un réchauffement de +4 °C d’ici 2100, un scénario réaliste si les émissions mondiales ne dévient pas de leur trajectoire actuelle. Mais au-delà des mesures pour protéger la population et les infrastructures, une question se pose avec insistance : quel impact ce PNACC-3 aura-t-il sur les énergies renouvelables, ces piliers de la transition énergétique ? Cce plan pourrait redessiner le paysage des énergies vertes en France, entre opportunités à saisir et défis à relever.

D’emblée, il faut souligner que le PNACC-3 ne se concentre pas directement sur l’atténuation des émissions – un rôle dévolu à la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et à la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Son objectif est l’adaptation, c’est-à-dire ajuster nos modes de vie et notre économie aux impacts climatiques déjà en cours et à venir. Pourtant, les énergies renouvelables (ENR), comme l’éolien, le solaire ou l’hydroélectricité, ne sont pas hors champ : elles sont à la croisée des chemins, à la fois vulnérables aux aléas climatiques et essentielles pour construire une résilience énergétique. Selon RTE, en 2023, les ENR représentaient 29,5 % de la production électrique française, avec 13 % pour l’hydroélectricité, 8,5 % pour l’éolien et 4 % pour le solaire. Mais un climat plus chaud, plus sec et plus extrême pourrait changer la donne, et le PNACC-3 tente d’anticiper ces bouleversements.

Prenons l’hydroélectricité, qui reste la reine des renouvelables en France. Les projections de Météo-France, intégrées au PNACC via la TRACC (Trajectoire de Réchauffement de Référence pour l’Adaptation au Changement Climatique), annoncent une fonte totale des glaciers alpins d’ici 2100 et une chute drastique de l’enneigement – quarante jours par an dans les Alpes, dix dans les Pyrénées. Une étude de Nature Geoscience en 2020 chiffrait déjà une perte de 26 % du volume glaciaire entre 2000 et 2020, et le PNACC-3 confirme que les rivières, privées de cette fonte printanière, verront leur débit estival diminuer de 20 à 30 % d’ici 2050, voire 50 % en 2100 dans le pire scénario. Résultat : les 2 500 centrales hydroélectriques françaises, qui ont produit 60 TWh en 2023 selon RTE, pourraient voir leur rendement baisser. EDF, qui gère 80 % de cette capacité, devra soumettre une étude de vulnérabilité d’ici fin 2025, comme exigé par le plan, pour adapter ses barrages – par exemple en optimisant les retenues ou en diversifiant les sources d’eau.

L’éolien, lui, est dans une position ambivalente. Les vents violents, comme ceux de Martinho (140 km/h dans le Tarn hier, selon Météo-France), devraient s’intensifier dans certaines régions, notamment le nord-ouest, avec une hausse de 10 à 15 % des épisodes tempétueux d’ici 2100, selon une analyse de Climate Dynamics en 2022. Cela pourrait doper la production des 8 000 éoliennes françaises, qui ont généré 42 TWh en 2023. Mais il y a un revers : ces mêmes vents extrêmes augmentent les risques pour les infrastructures. Une enquête de L’Usine Nouvelle en janvier 2025 estimait que 5 % des pales éoliennes installées avant 2015 pourraient être vulnérables aux tempêtes plus fréquentes, nécessitant des renforcements coûteux. Le PNACC-3 répond en partie en imposant des audits de résilience pour les grandes entreprises énergétiques dès 2025, un chantier qui concernera des acteurs comme Engie ou TotalEnergies, actifs dans l’éolien terrestre et offshore.

Le solaire, en pleine ascension – 20 TWh en 2023, soit +15 % par rapport à 2022 selon RTE –, pourrait tirer son épingle du jeu. Avec des étés plus chauds et plus ensoleillés (30 à 40 jours à +35 °C dans le sud d’ici 2100, selon Météo-France), les panneaux photovoltaïques pourraient bénéficier d’un ensoleillement accru. Une étude de l’ADEME en 2024 chiffrait un gain potentiel de 5 à 10 % de rendement dans le sud-est d’ici 2050. Mais attention : les canicules prolongées réduisent l’efficacité des cellules solaires au-delà de 25 °C, et les épisodes de sable saharien, comme celui de Martinho, encrassent les installations. Le PNACC-3 ne détaille pas de mesures spécifiques pour le solaire, mais son axe sur la résilience des réseaux électriques – avec 300 millions d’euros pour le Fonds Barnier en 2025 – pourrait faciliter l’intégration de cette énergie intermittente, notamment via des smart grids ou des batteries.
Les réseaux, justement, sont un point névralgique. Les ENR dépendent d’une distribution stable, mais les vagues de chaleur et les tempêtes menacent les lignes électriques. En 2022, RTE signalait 1 200 incidents liés aux intempéries, un chiffre qui pourrait doubler d’ici 2050 selon une projection interne citée par Les Échos le 11 mars. Le PNACC-3 mise sur une cartographie nationale des risques naturels d’ici 2027, intégrant incendies et submersions, pour identifier les zones critiques où renforcer les infrastructures. Enedis, qui gère 1,4 million de kilomètres de lignes, devra participer à ces audits, un effort salué par Pierre Mallet, expert énergie chez Carbone 4, dans une interview à actu-environnement.com le 12 mars : « C’est une première étape pour sécuriser les renouvelables face aux aléas. »

Mais le plan ne se limite pas à protéger les ENR existantes : il ouvre aussi des opportunités. L’axe « adapter les activités humaines » pousse les collectivités à réviser leurs Plans Climat-Air-Énergie Territoriaux (PCAET) d’ici 2030 pour intégrer la TRACC. Une enquête de La Gazette des Communes en février 2025 montrait que 45 % des intercommunalités envisageaient d’accélérer leurs projets solaires ou éoliens pour compenser la baisse prévisible de l’hydroélectricité. Le Fonds vert, doté de 260 millions d’euros en 2025, financera ces initiatives, même si certains, comme la FNSEA, estiment ce montant insuffisant face aux besoins réels – 1 milliard par an selon leurs calculs. À plus long terme, les solutions fondées sur la nature, promues dans l’axe « protéger le patrimoine naturel », pourraient doper la biomasse ou les petits projets hydroélectriques locaux.

Cela dit, des ombres planent. Les ENR, bien que cruciales, ne sont pas au cœur du financement du PNACC-3, qui totalise 1,6 milliard d’euros en 2025 – loin des 10 milliards annuels jugés nécessaires par l’I4CE en janvier 2025. Sur X, @EcoSceptique déplorait hier : « On adapte les réseaux, mais quid des investissements massifs dans l’éolien ou le solaire ? » Une critique partagée par Le Monde, qui notait hier un « flou sur les priorités énergétiques ». De plus, l’intermittence des renouvelables, accentuée par des vents capricieux ou des sécheresses, pourrait compliquer leur intégration sans un soutien clair au stockage – batteries ou hydrogène –, un sujet que le plan effleure sans s’y plonger.

Que tirer de tout ça ? Le PNACC-3 n’est pas une révolution pour les énergies renouvelables, mais il pose des jalons. Il sécurise leur avenir en anticipant les chocs climatiques – audits, réseaux résilients, cartographie – et ouvre des perspectives pour leur expansion locale. Pourtant, il reste en retrait sur les grands investissements ou les innovations technologiques, laissant ces ambitions à la PPE ou à la SNBC. Pour les Français, c’est une promesse en demi-teinte : un pays mieux préparé aux +4 °C, où les éoliennes tourneront peut-être plus fort et les panneaux capteront plus de soleil, mais où la transition énergétique reste un puzzle à compléter. Dix jours après son lancement, ce plan est un appel à l’action – reste à voir si les moyens suivront l’élan.